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Un chemin de traverse pour une lecture de l’homme
Kopel & Kopel
Nous avions beaucoup aimé cette photographie de Roger Fenton prise en 1855 pendant la guerre de Crimée. Elle était surprenante de modernité. C’était Valley of the Shadows of Death : une vaste plaine désertique jonchée de boulets de canons. Aucun cadavre, aucun blessé, seule la topographie du champ de bataille y est montrée. Pourtant, ils sont bien là sous nos yeux, les soldats morts ou déchirés, les femmes en pleurs et les cris de leurs enfants. En montrant ce vide, c’est bien autre chose qu’une guerre propre que Roger Fenton choisit de nous présenter...
Après un long silence, nous avons commencé à chuchoter à propos de cette charge émotionnelle transmise par le photographe. Pourquoi chuchoter alors que nous n’étions que nous quatre ? Sans doute à cause de cette présence brutale de l’image et de son propos qui s’imposaient à nous, qu’il fallait respecter, digérer, avant de l’exorciser en posant des mots sur ce que nous voyions et ressentions.
Trois cafés plus tard, le projet ArtKopel, que nous évoquions depuis quelques temps déjà, commençait à se concrétiser : nous avions révélé notre sensibilité commune.
C’était en 2005, au Carrousel du Louvre à l’occasion de Paris-Photo, dans une toute petite pièce excentrée et désertée. Sans doute la plupart des visiteurs cherchaient-ils cette modernité dans les centaines de galeries contemporaines exposantes et pensaient que ce lieu était le dernier où la trouver. Nous étions d’accord que cette image, d’avant-garde peut-être, comportait ce que certains artistes actuels cherchent sans trouver, justement parce qu’ils ne cherchent qu’à être modernes.
Qu’est-ce alors que la modernité ? Doit-elle passer par une forme à tout prix nouvelle et révolutionnaire ? La contemporanéité n’est-elle pas tout simplement l’époque dans laquelle s’exprime une émotion, prend forme une idée ? N’importe quel médium peut ainsi servir une époque, de la peinture à l’œuvre numérique en passant par l’écriture ou la composition musicale, puisque c’est bien du fond dont il s’agit, celui qui trouble l’Homme depuis le début de l’humanité, et qu’il cherche à comprendre en lui donnant une forme.
Devrions-nous alors ne porter notre regard que sur nos ultra-contemporains, juste parce qu’ils sont contemporains ? À l’inverse, il ne s’agit pas de rejeter ces artistes parce qu’ils sont trop modernes ! Avec une vocation de passeurs, notre équipe espère vous faire découvrir ou redécouvrir ces œuvres qui nous touchent, en dehors de toute valeur marchande ou de faire-valoir social. Notre fil conducteur traverse les âges et les styles avec une seule idée : la mise en avant de la profondeur des œuvres et des hommes qui les créent ; provoquer les mots parce que parfois ils éclairent les œuvres. Chaque entretien avec un de ces auteurs a été un moment privilégié et nous a laissé le souvenir d’une révélation. D’autres rencontres se sont faites avec des œuvres, sans leurs auteurs, ce sont les articles que nous classons dans les rubriques Regards et Galerie de notre magazine en ligne.
Bonne lecture à tous.
Karen Lavot-Bouscarle